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Contre le racisme DROIT DE REPONSE : Lorsque la « Tribune de Lyon » salit les citoyens, défenseurs des droits des palestiniens.

mercredi 30 janvier 2013, Par Le Collectif 69

La tribune de Lyon a publié un dossier intitulé " LES JUIFS DE LYON ONT PEUR" qui a suscité deux droits de réponse (collectif 69 Palestine et René Balme) et un communiqué de Union Juive Française pour la Paix - UJFP

Nous publions in-extenso ces communiqués et en annexe le dossier de la Tribune de Lyon.


Lorsque la « Tribune de Lyon » salit les citoyens, défenseurs des droits des palestiniens.

Monsieur le rédacteur en chef,

- Nous avons lu avec beaucoup d’attention votre dossier paru dans le numéro 371 en date du 17 janvier 2013. Sous l’intitulé accrocheur et sensationnaliste « Pourquoi les juifs de Lyon ont peur », le sous-titre dresse le décor : « Les actes antisémites ont doublé en un an. Qui sont ceux qui soufflent sur les braises ? »

- Nous sommes atterrés de ce que nous avons lu tout au long de ces neuf pages.

Loin de nous l’idée que l’occupation de la Palestine n’aurait pas de conséquences sur la nécessaire concorde entre les communautés, sur le territoire français.

Loin de nous aussi l’idée que, malheureusement, l’amalgame, ne puisse pas parfois exister entre Israël, sa politique de guerre et les juifs de France.

Loin de nous la négation d’actes au caractère antisémite avéré prenant pour cible nos compatriotes de confession israélite. Nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur ces sujet au moins à deux reprises ces derniers mois, au moment des tueries de Toulouse et de l’agression de jeunes juifs à Villeurbanne (1).

- Notre charte indique : « Le Collectif 69 se réclame du principe de laïcité et est ouvert à toute personne attachée au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, à l’exclusion de celles qui professent une idéologie raciste ». Au delà de ces engagements fondateurs, nous n’avons de cesse de rappeler que le conflit du Proche Orient n’est pas une guerre ethnique ou religieuse mais une question de droits et de conflit à caractère politique.

- Nous travaillons au quotidien à expliquer le conflit et, pour ce faire, à travailler avec nos partenaires de « l’Union Juive Française pour la Paix », membre actif de notre collectif, ainsi qu’avec les israéliens en lutte contre l’occupation. Vous auriez pu utilement prendre l’avis de ces témoins. Le Collectif 69 de soutien au peuple palestinien a plus de 10 ans et au cours de ces dix années aucun dérapage ; aucun propos, aucune action n’ont été entachés de dérives antisémites. Nous avons pourtant organisé de très grandes manifestations (pour GAZA ou à l’occasion de la « Flottille de la liberté ») fortes de dizaines de milliers de manifestants. En ces occasions, les services de la Préfecture et responsables policiers ont loué notre maîtrise et notre sens des responsabilités. Tout au long de ces centaines de réunions publiques et manifestations, aucun de vos confrères n’ont relevé le moindre dérapage. Car la question est là.

La thèse de votre dossier est que nous soufflerions sur les braises.

- Tout d’abord, parlons des braises avant d’évoquer le souffle. Les braises sont constituées par la politique de guerre de l’Etat d’Israël et par l’attitude irresponsable des représentants de la communauté juive, le CRIF en tête. Lorsque la politique du gouvernement israélien d’extrême droite, mené par Netanyahou, poursuit son agression violente et brutale à l’encontre des palestiniens, c’est un fait que nul n’ignore à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux. Les braises sont là, lorsque la colonisation se poursuit au mépris de toutes les lois internationales. Mais les braises sont encore là lorsque les instances officielles communautaires juives prennent faits et causes pour l’agresseur. Nous le disons et le répétons, les juifs de France sont bien mal représentés par les soutiens à la politique brutale de l’Etat d’Israël. Cela entraîne la confusion des esprits que nous évoquions plus haut. Confusion contre laquelle nous luttons.

- Alors qu’en est-il du souffle ? Et bien, nous ne soufflons pas sur ces braises là. Nous luttons et défendons simplement les droits du peuple palestinien. Nous avons l’habitude que le CRIF nous attaque et attaque en général les défenseurs des droits des palestiniens. Nous avons l’habitude que l’annexe de l’ambassade Israélienne qu’est le CRIF s’en prenne avec ces relais d’opinion à nous, au sens large : associations, élus, intellectuels (Edgard Morin, Stéphane Hessel…). Il est moins courant qu’un journal colporte ragots, rumeurs et propagande. Vous auriez dû, en bonne déontologie journalistique, vérifier les faits et démontrer nos soi disant ambiguïtés.

- Monsieur Vassé, nous avons passé plus d’une demi-heure au téléphone. J’ai bien senti que vous aviez des pré-supposés idéologiques puissants et que votre religion était faite. Lorsque vous m’accusez de professer (presque) la théorie du complot lorsque je parle de l’instrumentalisation de l’antisémitisme par Israël, je ne fais que reprendre les propos de Monsieur Netanyahou qui, indécence suprême, est venu faire campagne électorale à Toulouse, après les tueries de Merah. Invitant à cette occasion les juifs de France à émigrer… en Israël. ("En ma qualité de Premier ministre d’Israël, je le dis toujours aux juifs où qu’ils soient : venez en Israël et faites d’Israël votre chez vous"). De notre entretien, vous n’avez pas retenu mon invitation au dialogue avec les représentants de la communauté juive de France, propos qui ne cadraient probablement pas avec la thèse soutenue.

-Quant à nos « positions ambiguës » et notre « langage pernicieux » sur lequel « tout le monde semble s’accorder » selon votre article, il ne suffit pas d’asséner ce type de propos, nous vous demandons instamment de le DEMONTRER, preuves, attitudes, discours…à l’appui.

Nous connaissons toutes ces méthodes et son arme de destruction massive : l’accusation d’antisémitisme. Nous savons que toute critique de l’Etat d’Israël est contrée par les thuriféraires du dit Etat à l’aide de cette accusation. Plus la position d’Israël est fragile, plus cet Etat perd de crédibilité dans l’opinion publique et plus les attaques à notre endroit sont fortes. Il est moins habituel qu’un journal, jusque là mieux inspiré, fasse son lit d’attaques ignobles et infondées, reprenant mot pour mot la rhétorique des soutiens inconditionnels de l’Etat d’Israël.

Aussi nous vous demandons de publier ce droit de réponse, notre honneur, notre probité et notre combat ayant été violemment mis en cause dans vos colonnes.

Veuillez agréer, monsieur le rédacteur en chef, l’expression de nos cordiales salutations .

Jérôme FAÿNEL Président, et le Conseil d’Administration du Collectif 69 de soutien au peuple palestinien - Le 20 Janvier 2013


(1) COMMUNIQUES DE PRESSE :

Meurtres de Toulouse et Montauban : effroi, douleur et vigilance http://collectif69palestine.free.fr...

Agressions antisémites de Villeurbanne : qui importe en France le conflit israélo-palestinien ? http://collectif69palestine.free.fr...


Droit de réponse de René Balme mis en cause dans le même article

Grigny, le 21 janvier 2013

Monsieur, Le 17 janvier 2013, dans un article partisan et fort peu documenté, pour ce qui me concerne, témoignant d’une paresse journalistique pour le moins surprenante, Tribune de Lyon reprend à son compte des accusations graves à mon encontre.

Classé, par vos soins, dans la catégorie des auteurs d’actes antisémites marquants, j’aurais donc, à vos yeux « une attitude trouble », parce que le site Rue 89, sous le clavier d’une journaliste autoproclamée – et dont chacun connait les méthodes pour le moins douteuses – l’aurait affirmé. Et, de plus, je manipulerais les Français d’origine maghrébine ! Il vous appartiendra d’en faire la démonstration ou de revenir sur ces affirmations qui salissent mon honneur et la fonction que j’exerce.

Je me suis longuement expliqué sur « l’affaire (1) » Rue 89/Ornella Guyet, la majorité municipale également (2) et votre conscience professionnelle aurait dû vous inciter à m’interroger ou prendre connaissance de toute la littérature que j’ai publiée à ce propos à la suite des affirmations calomnieuses et diffamatoires du site Rue 89, reprises, mot pour mot, en boucle, copiées-collées, par l’ensemble de la presse sans aucune vérification préalable. Vous perpétuez cette tradition désormais bien ancrée dans le microcosme des médias dominants du journaliste encarté, mais toujours amateur qui ne vérifie pas ses sources et qui s’arroge le droit de faire ou de défaire une réputation en fonction de son humeur ou des commandes – politiques ? - qui lui ont été faites.

Sachez qu’à chaque fois que vous où vos confrères agiront de la sorte, vous me trouverez en travers de votre chemin pour que vous rétablissiez la vérité. Pour votre information : contrairement à vos affirmations, je ne suis plus au Parti de Gauche et je ne l’ai pas quitté sous la pression. A cet effet, je vous renvoie au courrier que j’ai envoyé le 18 juin 2012 aux instances départementales et nationales du Parti de Gauche, leur annonçant que je me mettais en congés du Parti. (3) Je vous renvoi, aussi, à mon discours de fin de campagne qui devrait vous éclairer sur ce dossier. (4)

Pour ce qui est de mon engagement aux côtés du peuple palestinien, il remonte très loin et il n’est pas près de cesser, n’en déplaise à tous les relais sionistes. Cet engagement reçoit, depuis dix ans, le soutien actif du l’Union Juive pour la Paix. Notre combat pour la paix en Palestine, pour la libération de Salah Hamouri - que l’ensemble de la presse a particulièrement boudé - les différentes actions que nous avons menées ou soutenues avec le collectif Palestine 69 ou l’association France Palestine, le parrainage que j’ai accordé, avec d’autres élus grignerots, à des prisonniers palestiniens (dont certains sont des enfants), la dénonciation des crimes de guerre commis par Israël, notamment en 2009, sont autant de prises de positions qui ne plaisent guère aux soutiens inconditionnels du sionisme, et pour cause, et qu’ils voudraient bien nous faire payer.

Nous sommes, à Grigny, le grain de sable qui grippe de temps en temps la machine et ses relais médiatiques, dont vous êtes. Nous sommes des combattants de la paix, des amoureux de la fraternité, du vivre ensemble et nous avons décidé de placer l’être humain au coeur de l’ensemble de nos actions, ce qui, pour des va-t-en-guerre, constitue le crime suprême semble-t-il.

Je vous invite à suivre régulièrement l’activité municipale de la Ville de Grigny (5) qui vous en dira beaucoup plus sur ma personne et vous permettra de porter sur moi un jugement objectif et non pollué par les approximations et contres-vérités qui circulent sur la toile et ailleurs à mon sujet. Vous constaterez que votre affirmation consistant à écrire que « les jeunes Français d’origine maghrébine qui seraient manipulés par des associations de soutien au peuple palestinien et par des élus d’extrême gauche » est particulièrement diffamatoire et ne repose sur aucun fait avéré.

Pour parfaire votre connaissance personnelle et professionnelle de ma commune, je vous invite à passer une journée, ou plus, à Grigny ; à rencontrer les élus et la population dans sa grande diversité. Ils vous parleront, à coup sûr, de l’expérience de démocratie participative exemplaire et unique en France, pour ce qui est du budget participatif, qu’ils animent et font vivre depuis bientôt 15 ans. Ils vous parleront, aussi, à n’en pas douter, de la qualité et de la diversité des services publics qui sont à leur disposition, de leur qualité de vie, de la convivialité et du vivre ensemble que nous cultivons, y compris, dans les quartiers les plus difficiles.

Pour ce qui est du site internet www.oulala.net, dont j’étais un des membres fondateur en 2001 et auquel je participais activement, sachez qu’après sa mise en sommeil le 21 juin 2012 (6) il est revenu, comme annoncé sur la toile le 30 août 2012 et

qu’il porte désormais le nom de www.oulala.info. J’en suis devenu le rédacteur en chef, à la demande des membres du collectif. Je vous invite à regarder la vidéo qui a été publiée à l’occasion de son lancement7 et à en suivre l’activité en vous abonnant à sa lettre hebdomadaire. Cela vous évitera, à coup sûr, de propager des informations approximatives ou inexactes.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

René BALME, Maire

1 http://www.rene-balme.org/24h00/spip.php?article1445

2 http://www.rene-balme.org/24h00/spip.php?article1441

3 http://www.rene-balme.org/24h00/spip.php?article1445

4 http://video.netmulot.net/watch_video.php?v=NOYA3B891UAY

5 Http ://www.mairie-grigny69.fr

6 http://archives.oulala.net/Nouveau/


COMMUNIQUE DE L’ UNION JUIVE FRANCAISE POUR LA PAIX (UJFP) Section lyonnaise.

Aux représentants de la communauté juive lyonnaise et aux lecteurs de la Tribune de Lyon

« la communauté juive vit dans l’angoisse depuis l’affaire Mérah. Crachats, insultes, provocations et altercations seraient réguliers. Le nombre d’actes antisémites constatés à Lyon en 2012 confirme « la situation malsaine » décrite par de nombreux acteurs. Les associations juives visent particulièrement les jeunes français d’origine maghrébines qui seraient manipulés par des associations de soutien au peuple palestinien et certains élus d’extrême gauche. Enquête sur un sujet sensible ».

Tel est le résumé de la présentation, en page 5 de la Tribune de Lyon daté du 17 janvier 2013, de l’enquête réalisée auprès des institutions juives lyonnaises, intitulée :

"Pourquoi les juifs de Lyon ont peur"

- Le décor est brossé en quelques mots. Des mots simples, assassins, dans l’air du temps, hier comme aujourd’hui. Des mots supposés acceptables par les lecteurs de la Tribune de Lyon, devenus communs au plus grand nombre. Les bons et les méchants. Ceux qui ont peur, ceux qui font peur, reconnaissables entre tous, au faciès très exactement.

- En effet, l’ UJFP ne cesse d’expliquer que le CRIF [Conseil Représentatif des Institutions Juives de France] et les institutions juives lyonnaises « qui ont peur » sont celles là mêmes qui, en soutenant de manière inconditionnelle toutes les exactions commises par l’armée israélienne à Gaza et dans les Territoires Palestiniens Occupés, tout autant que l’attention suspecte accordée par la classe politique française – toutes tendances confondues - à « la communauté juive française », constituent le terreau sur lequel se développe un racisme populaire dont les effets pervers ne peuvent qu’exacerber les tensions au sein de notre société.

- Clamer et faire croire que tous les juifs de France soutiennent inconsidérément la politique criminelle de l’ Etat d’Israël est dangereux . Car dans ce contexte, où se mêlent l’impunité absolue dont jouit Israël et le développement en France d’ un racisme d’ Etat dont les victimes sont les classes populaires les plus défavorisées, « issues de l’immigration », de la colère au racisme, de l’antisémitisme à l’ islamophobie, la frontière n’est jamais très éloignée.

Ainsi que le déclarait Michel Warschawski au cours de la réception du Prix des Droits de l’ Homme de la République française qui a été décerné à son association l’ AIC en décembre dernier : « ne nous y trompons pas, le combat contre l’impunité - par rapport à l’esclavage, au génocide des juifs d’Europe, à l’ Apartheid ou à l’occupation coloniale de la Palestine - est UN et ne peut ni ne doit être hiérarchisé. Ce qui est profondément anti-israélien, c’est de pousser Israël à la faute et à la fuite en avant, en laissant le pays dans l’impunité ».

- A l’instar de Michel Warschawski, nous, juifs français membres de l’ UJFP, progressistes et anti colonialistes, nous n’acceptons pas les crimes israéliens commis « en notre nom » à l’encontre du peuple palestinien. Nous n’acceptons pas non plus qu’en France, le CRIF soutienne bruyamment « en notre nom », la politique israélienne et stigmatise dans des termes aussi inacceptables les jeunes issus de l’immigration maghrébine .

- Les résultats des dernières élections israéliennes nous ont montré combien la société israélienne se désintéresse du sort fait au Palestiniens. Les espoirs que cesse l’oppression du peuple palestinien sont à nouveau nuls.

Les juifs de Lyon continueront longtemps encore à nous entretenir de leur peur.

L’ Union Juive Française pour la Paix - UJFP Section lyonnaise. Le 29 janvier 2013


ANNEXE

Le texte complet de l’article de la tribune de Lyon :

La communauté juive, qui compte entre 30000 et 40000 membres dans l’agglomération lyonnaise, vit dans l’angoisse depuis l’affaire Merah. Crachats, insultes, provocations et altercations seraient réguliers. Le nombre d’actes antisémites constatés à Lyon en 2012 confirme la “situation malsaine” décrite par de nombreux acteurs. Les associations juives visent particulièrement les jeunes Français d’origine maghrébine, qui seraient manipulés par des associations de soutien au peuple palestinien et certains élus d’extrême gauche. Enquête sur un sujet sensible....

Ce jeudi 19 avril 2012, place des Terreaux à Lyon, on célèbre sous une grande tente Yom HaShoah, en hommage aux morts de la Shoah. C’est un moment de recueillement particulièrement fort, qui réunit une vingtaine de personnes. Personne n’a remarqué qu’un individu s’était dis- crètement infiltré :“Je vais revenir avec une mitraillette et tirer dans le tas comme Mohamed Merah”, lâche-t-il soudain face à une assistance pétri- fiée, avant de disparaître. Puis de revenir cinq minutes plus tard, la main dans son manteau, comme si... “Il y a quelques années on ne l’aurait pas cru, mais là, juste après l’affaire Merah, je me suis posé la question. Et j’ai vraiment eu peur”, raconte un témoin de la scène. L’auteur des menaces de mort sera finalement maîtrisé puis condamné en comparution immédiate à trois mois de prison ferme pour “menaces de mort commises en raison de la religion”.

PROVOCATIONS QUOTIDIENNES Un acte antisémite passé relativement inaperçu, contrairement à la tentative d’enlèvement, quinze jours plus tôt, du juge lyonnais Albert Levy par des islamistes radicaux de Givors, heureusement interpellés à temps par la police. Ou l’agression au marteau, deux mois plus tard, de trois jeunes juifs à Villeurbanne qui rentraient tranquillement de la synagogue. Mais un acte antisémite de plus dans l’agglomération lyonnaise. Bien sûr, comme le rappelle le grand rabbin Richard Wertenschlag, la montée d’actes antisémites “n’est pas nouvelle à Lyon”. Il y a dix ans, c’est la synagogue de la Duchère qui était victime d’un incendie volontaire. Et le terroriste Khaled Kelkal avait fait exploser une voiture près de l’école juive Nah’alat de Villeurbanne en 1995. “Mais le climat est particulièrement malsain en ce moment”, assure l’avocat lyonnais Alain Jakubowicz, le président de la Licra. Les faits confirment l’analyse du grand rabbin. Le parquet de Lyon a enregistré trente-cinq affaires à connotation antisémite pendant les onze premiers mois de 2012 : cela peut paraître insignifiant dans une agglomération de plus d’un million d’habitants, mais c’est deux fois plus que l’année précédente. Des chiffres locaux qui confirment ceux publiés au plan national par le Service de protection de la communauté juive. Selon ce service d’ordre créé par la communauté juive, les actes antisémites ont augmenté de 45 % en France au cours des huit premiers mois de l’année écoulée. Soit près de 400 plaintes déposées, une donnée validée par le ministère de l’Intérieur.

Et encore ces chiffres ne tiennent-ils pas compte des crachats, insultes ou invectives quotidiens dont sont victimes de plus en plus régulièrement les porteurs de kippa. Que ce soit dans la rue, au collège, dans des manifestations ou au stade de Gerland. Voire dans un cadre professionnel : un plombier n’a-t-il pas été condamné, en septembre dernier, à 5 000 euros d’amende par le tribunal de grande instance de Villeurbanne pour avoir écrit par SMS à un client, suite à un différend commercial : “Sale youpin, Hitler aurait dû finir le travail “ ? L’artisan a fait appel. Reste que les cas où l’on dispose d’une preuve écrite, permettant à la justice d’agir, sont particulièrement rares. “Moi, je n’ose plus mettre ma kippa pour aller travailler. Je pense que Dieu me pardonnera, il doit comprendre la situation”, lâche même un Villeurbannais, victime l’an dernier d’une agression.

LE CHOC MERAH “ Au niveau procédural, on n’est pas dans une épidémie”, tempérait toutefois Jacques Beaume en juin dernier dans Le Progrès, au lendemain de l’agression des trois jeunes juifs de Villeurbanne. Le procureur général de Lyon laissait entendre qu’il y avait une différence entre “les informations fournies par la communauté” et la réalité. Au risque de choquer ceux qui relèvent une augmentation de 133 % des faits antisémites en un an dans l’agglomération, Jacques Beaume a joué, volontaire- ment dans ce cas, un rôle d’apaisement. Ce n’était pas le moment de jeter de l’huile sur le feu, même si le procureur général de Lyon reconnaît percevoir “une tension depuis l’affaire Merah”, en référence à la tuerie orchestrée le 19 mars dernier par le meurtrier au scooter à l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse, qui avait fait quatre morts dont trois enfants. Si cet événement a choqué la France entière, elle a aussi terrorisé la communauté juive. Notamment à Lyon, où plusieurs familles avaient des enfants scolarisés dans l’école toulousaine. “Il y a un avant et un après Merah. Pour la première fois, on a tué en France des gens, surtout des gamins, parce qu’ils étaient juifs”, résume Patrick Kahn, le porte-parole de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) de Rhône-Alpes. “Aujourd’hui, les juifs ont la trouille pour leurs gosses”, ajoute un fin connaisseur de la communauté qui travaille à l’hôtel de ville de Lyon.

Signe de ce climat délétère, les écoles juives de l’agglomération ont vu leurs effectifs sensible- ment augmenter à la rentrée dernière. Pas seulement pour des raisons de “bonne éducation juive”, comme l’explique le grand rabbin, mais bien parce que ces établissements scolaires sont ultra-protégés par des caméras et des murs grillagés de trois mètres de haut. D’autres, souvent des trentenaires, fuient carrément Lyon pour s’installer en Israël, aux Etats-Unis ou au Canada. “La France serait le pire pays où vivre quand on est juif ? Oui, ça se dit dans la communauté, même si on pense que c’est exagéré”, confirme Annette Bloch, la secrétaire générale de la Licra Rhône- Alpes.

GAZA À LYON En 2013, les juifs de l’agglomération ont donc peur. Mais de qui ? On connaissait la vieille extrême-droite nostalgique de Vichy, ou cet “anti- sémitisme de salon”, “ces gens bien situés dans la société lyonnaise, vivant dans des quartiers bourgeois et qui vont à la messe chaque dimanche”comme le décrit Richard Wertenschlag. Mais cet antisémitisme-là, même s’il n’a pas complètement disparu en raison du développement des mouvements identitaires à Lyon, n’est pas le plus virulent. C’est ailleurs qu’il faut chercher la cause de cette recrudescence d’actes antisémites. En juin dernier, après l’agression des trois juifs de Villeurbanne, la Licra a répondu clairement à la question en expliquant que “la candeur ne doit plus faire obstacle à la vérité : ces actes sont le plus souvent commis par de jeunes délinquants issus de l’immigration maghrébine”, écrivait alors l’association. Avant d’ajouter : “Ils sont les vecteurs d’une propagande concertée visant à importer le conflit proche- oriental sur le territoire français en leur faisant croire qu’il serait légitime de s’attaquer à des passants portant une kippa sous couvert d’un prétendu anti-sionisme.”

Une déclaration choc. Mais qui avait le mérite d’exprimer ce que la communauté tout entière ressentait depuis de longs mois. Cette analyse trouve même un écho au-delà de la communauté : plusieurs policiers lyonnais interrogés soulignent que “l’antisémitisme ethnique et politique est un sujet ‘touchy’“ et confirment en off ces accusations. “Mais la plupart de ces jeunes Maghrébins ne font même pas ça pour des raisons religieuses ou politiques. Ils confondent les soldats israéliens qu’ils voient sur les chaînes d’info avec les juifs de Villeurbanne. Ils se refont Gaza, ils ont l’impression de venger leurs frères palestiniens”, résume l’un de ces policiers, qui travaille dans l’Est lyonnais. “Il ne faut pas banaliser ce qui se passe, mais attention à la stigmatisation, nuance un autre. C’est vrai que c’est tendu en ce moment, d’autant que certains font de la provocation en faisant de Merah une sorte de héros. Mais prenons garde à ne pas mélanger systématiquement délinquance de droit commun et agression antisémite.”

POSITIONS AMBIGUËS Là où tout le monde semble s’accorder, c’est sur le rôle ambigu et le “langage pernicieux” de certaines associations de soutien à la cause palestinienne, notamment le Collectif 69, Génération Palestine Lyon ou la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI). Une cause noble dans l’absolu. Mais les responsables de ces associations, qui disposent de relais puissants dans les cités de l’agglomération lyonnaise (surtout Génération Palestine), sont accusés par des membres de la communauté juive d’entretenir une véritable confusion entre l’anti-sionisme, dont ils se réclament, et un vrai rejet de tous les sionistes, ce que sont la très grande majorité des juifs de France. Et la frontière est parfois mince, chez certains, entre le rejet des sioniste et la haine du juif. On leur reproche ainsi leurs liens avec Omar Barghouti, qui a lancé en 2005 la campagne BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions) visant à boycotter au niveau mondial les entreprises favorisant la politique d’Israël. Barghouti, qui vit à Ramallah et clame ne pas être “antisémite”, était l’invite d’honneur de l’Université d’été de la solidarité internationale, qui a réuni des centaines de militants en juillet dernier à Lyon. Un événement qui n’a pas fait que des heureux à l’Hôtel de Ville de Lyon. Même Jean-Jack Queyranne, le président de la région Rhône-Alpes, pourtant partenaire de ce rendez-vous, soulignait que “promouvoir la démarche d’un boycott est contre-productive si l’on veut dégager un avenir de paix dans cette région tourmentée.” Le directeur de Sciences-Po Lyon, Gilles Pollet, a, pour sa part, préféré annuler à la dernière minute une conférence organisée entre autres par Génération Palestine et le Collectif 69 et intitulée “Israël, un Etat d’apartheid ?”, qui devait se tenir au sein de l’école au printemps 2012. Motif : il y avait des“risques avérés d’atteinte à l’ordre public”. Jérome Faynel, le président du Collectif 69 de sou- tien au peuple palestinien, n’est pas surpris par ces accusations véhiculées selon lui par la communauté juive. S’il récuse évidemment tout anti- sémitisme (“Dans nos manifestations, nous n’acceptons aucun slogan antisémite”, assure-t-il), il avoue ne pas nier “la confusion des esprits” dans certains quartiers de Lyon. “Comment voulez-vous que des gens paumés dans leur tête ne fassent pas cet amalgame”, interroge-t-il. Avant de lancer : “Mais je n’accepte pas le procès qui nous est fait. La confusion est largement entretenue par un certain nombre de représentants de la communauté juive. Notamment du Crif ou la Licra : en pointant du doigt les jeunes de l’immigration maghrébine dans l’affaire de Villeurbanne, qui tente vraiment d’importer le conflit du Proche- Orient en France ?”Jérome Faynel affirme d’ailleurs que “l’antisémitisme est un calcul et un enjeu stratégique du gouvernement israélien pour inciter les juifs de France à venir s’installer en Israël”. Ce n’est pas la théorie du complot, mais presque...

TENSIONS POLITIQUES Les tensions sont également palpables sur le terrain politique avec certains élus d’extrême gauche qui entretiennent d’ailleurs des liens étroits avec les associations de soutien au peuple palestinien. Le maire Front de gauche de Vaulx-en-Velin, Bernard Genin, est dans le viseur de la Licra du Rhône depuis plu- sieurs mois pour l’affaire du drapeau palestinien, hissé tous les jours pendant un an sur le fronton de l’hôtel de ville à côté du drapeau tricolore. A la demande de l’élu. Le tribunal administratif de Lyon l’a obligé à enlever l’étendard à l’été 2011. Mais le mal était fait : Tribune de Lyon avait raconté, il y a deux ans, l’exode des juifs de Vaulx-en-Velin, qui se sentaient victimes de discrimination, avec la multiplication des initiatives de ce type. Sur les 250 familles arrivées dans les années soixante, il n’en resterait aujourd’hui plus que dix-sept. “C’est une question de responsabilité poli- tique”, tranche Patrick Kahn de la Licra Rhône-Alpes, qui souligne “la situation plus apaisée” à Rillieux-la-Pape, où vit la troisième communauté juive du Grand Lyon, “car la municipalité a su prendre des initiatives efficaces”.

René Balme (Parti de gauche) est un autre élu de l’agglomération dont l’attitude trouble a été mise au jour. Au printemps dernier, le site Rue89 révélait que le site oulala.net, animé par le maire de Grigny, hébergeait des articles élogieux du livre d’Alain Soral ou du film L’Antisémite de Dieudonné, deux personnages connus pour multiplier les déclarations antisémites. René Balme, qui était candidat aux dernières législatives pour le Front de gauche, finira par démissionner du Parti de gauche en juillet, suite à cette affaire sous la pression de son parti.Même les socialistes agacent parfois la Licra, qui a décidé de bouder en septembre dernier la traditionnelle fête de la Rose. Explications : l’omniprésence d’associations soutenant le peuple palestinien lors de cet événement poli- tique convivial.

La grogne des juifs de l’agglomération pourrait devenir un enjeu, à un an des municipales. Manuel Valls, invité du dîner du Crif Rhône-Alpes qui se tient le jeudi 31 janvier au casino Le Lyon Vert à Charbonnières, devrait en entendre parler. “Bien sûr que mon discours portera sur nos inquiétudes, mais le ministre de l’Intérieur est au courant de ce qui se passe et le suivi des affaires est plutôt satisfaisant”, assure Nicole Bornstein, la nouvelle présidente du Crif Rhône-Alpes. Avant de glisser : “De toute façon, nous Français, sommes tous concernés par cette violence et il y a besoin d’un apaisement général. L’objectif est que cela n’arrive plus.” Mais le grand rabbin est plus pessimiste. “Comme on ne peut pas mettre un policier derrière chaque juif, la question du devenir de la communauté juive en France se pose vraiment”, s’inquiète le grand rabbin Richard Wertenschlag.

Pour Levy, une année qui laisse des traces. Il y a David, le patriarche un peu nostalgique qui se rappelle sa jeunesse à La Duchère : “On réglait ça à l’ancienne, après il y avait du respect.” Le frère aîné, Nathanaël, plus expéditif, qui voudrait “tous les mettre dans des bateaux”. Et puis Mendel, un frangin mystique qui pense que “c’est parce que le peuple juif est l’élu, il y a de la jalousie”. Bienvenue chez les Azoulay. Le sujet du jour c’est “Les jeunes Maghrébins des cités”, il est 11 heures du matin et tout le monde fume dans le salon impeccable, comme dans un vieux film de Claude Sautet. Chacun exige que ses propos soient scrupuleusement notés, le ton monte car la famille est à cran depuis que Levy, le cadet de cette famille loubavitch (des juifs orthodoxes qui représentent un monde à part au sein de la communauté) de dix enfants, qui vit au sein même de l’école Beth Menahem de Villeurbanne, s’est fait agresser à deux reprises de façon très violente.

Premier épisode le 2 juin 2012 : un samedi après- midi, Levy, 19 ans, rentre avec deux amis de la synagogue de Villeurbanne. Rue de France, à deux pas de la station de métro Flachet, une poignée de “jeunes d’origine maghrébine” les prennent à partie en lançant à l’un d’eux : “Qu’est-ce que tu veux sale juif ?” Les trois copains tentent de calmer l’affaire puis s’en vont. “On a cru que c’était terminé et puis j’ai vu une vingtaine de mecs nous courir après avec des barres de fer... On a à peine eu le temps de s’enfuir que j’ai pris un coup de marteau derrière la tête. J’étais sonné mais j’ai eu la force de hurler, et ils sont partis.”

“VIOLENCE INSUPPORTABLE” En quelques heures, cette agression à caractère antisémite (qui ne paraît “pas souffrir discussion”, selon le parquet) se répand comme une traînée de poudre à Lyon. Elle prend même une dimension nationale, moins de trois mois après la tuerie de Toulouse, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault parlant même d’un acte “très grave, d’une violence insupportable”. Quatre personnes seront rapidement mises en examen pour violences aggravées. L’affaire est toujours à l’instruction. Mais Levy reste seul avec ses blessures : “Que tout le monde soit au courant avec cet emballement médiatique, ça a été très dur.” Depuis, il avoue pudiquement “être plus prudent, plus attentif qu’avant”. Et pourtant, ce n’est pas fini. Début novembre, Levy entre un peu maladroitement sur le périphérique au niveau de la porte de Cusset. Une voiture lui fait des appels de phares puis se met à sa hauteur sur la droite. “J’avais ma kippa sur la tête et la fenêtre ouverte parce que je fumais. Le gars m’a balancé une sucette puis une bouteille en me traitant de “sale juif”“, assure le jeune Villeurbannais. Pire, le conducteur, Mustapha Z., engage une course-poursuite sur plusieurs kilomètres. Il finit par coincer Levy et aligne les coups de poing. Début décembre, les deux hommes se retrouvent devant le tribunal. Levy réitère ses accusations, son agresseur assure qu’il a dit “expèce de connard” et pas “sale juif”. Il écopera néanmoins de six mois de prison avec sursis, mais le parquet ne retiendra pas la circonstance aggravante d’antisémitisme, faute de preuve. Dur à vivre pour Levy, qui se sent “diminué” depuis ces deux agressions. “Aujourd’hui, j’ai envie de partir vivre en Israël”, finit-il par lâcher.

Interview. Le Lyonnais Alain Jakubowicz est le président national de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) : “Certains jeunes sont élevés dans la haine du juif”

La Licra assure que les actes antisémites sont “le plus souvent commis par de jeunes délinquants issus de l’immigration maghrébine”. Ce n’est pas excessif ? Alain Jakubowicz : Non, car certains jeunes sont élevés dans la haine du juif. Pas dans leur cellule familiale, mais par un travail sous-terrain mené par une extrême minorité active qui possède de gros moyens financiers. C’est cet endoctrinement qui vise de nombreux jeunes, et même ceux qui sont fraîchement convertis à l’Islam, comme dans l’affaire de Villeurbanne. Je n’ai aucune fausse pudeur à le dire. Même si j’ajoute que l’une des principales victimes de ce qui se passe, outre les juifs, c’est la communauté musulmane qui est de ce fait stigmatisée.

Vous pensez que la société française minimise ces faits ? Oui, mais je pense surtout qu’elle a du mal à comprendre le phénomène. Devant un tribunal, dès qu’il y a un problème d’antisémitisme, on sent bien que les magistrats ont peur de rentrer là-dedans. Même chose pour l’Education nationale, les chefs d’établissement ont la trouille. Alors qu’il faut prendre le problème à-bras-le-corps. Il faut les aider plutôt qu’être dans la négation des faits. On ne doit rien céder aux extrémistes religieux.

La situation a-t-elle empiré depuis l’affaire Merah ? Oui, c’est évident que l’affaire Merah a marqué une rupture. Quand il y a eu des actes comparables dans le passé, comme la profanation du cimetière de Carpentras ou les attentats de la rue des Rosiers, après l’état de choc de la société française, on avait le sentiment d’une certaine paix sociale. Là, c’est le contraire : l’affaire a segmenté la société et exacerbé les haines. Il n’y a pas eu d’électrochoc national. Les Français se sont dit : “C’est une histoire entre juifs et Arabes. De toute façon mes enfants ne fréquentent pas d’école juive”. On a communautarisé ce qui s’est passé, comme si l’opinion publique ne s’était pas sentie directement concernée. Ce qui est terrible. Aujourd’hui, je suis inquiet pour la société française.

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