Accueil du site > Culture > Cinq cameras brisées - Film de Emad Burnat (La lutte pacifique des (...)

Oliviers brulés à Bil'in Cinq cameras brisées - Film de Emad Burnat (La lutte pacifique des villageois de Bil’in)

mercredi 5 mars 2014, Par Le Collectif 69

Documentaire "nominé" pour les Oscars 2013 dans la catégorie meilleur documentaire et qui relate l’histoire de la résistance du village de Bil’in en Cisjordanie contre l’occupation israélienne.

NB : Emad Burnat, dont le film raconte l’histoire, est venu à Lyon à l’initiative du collectif 69 Palestine en 2007. Une projection débat a eu lieu au Zola à Villeurbanne - - -


Emad Burnat, paysan palestinien a filmé cinq ans durant le harcèlement des soldats israéliens sur son village de Cisjordanie (Bil’in).

JPEG - 22.9 ko
Emad Bornat de Bil’in

- Si le Palestinien Emad Burnat est aujourd’hui loin de sa terre, c’est pour mieux la protéger. Voilà des mois que le fellah (paysan) de Cisjordanie, coréalisateur avec l’Isra­élien Guy Davidi de Cinq Caméras brisées, une histoire palestinienne, arpente le monde avec son film, raflant succès critiques et prix émérites dans les principaux festivals documentaires. Pas moins de seize récompenses glanées des Etats-Unis à Amsterdam, en passant par Paris, l’Afrique du Sud ou l’Arménie, pour ce documentaire co­financé par France 5 !

La légende colporte que l’histoire du film débute un jour de 2005 quand des géomètres s’invitent dans les oliveraies du petit village de Bil’in. Un bornage du terrain préalable à la construction d’un mur, censé garantir la sécurité de la colonie juive voisine et prévenir l’infiltration de terroristes, amputant les habitants palestiniens de la moitié de leurs terres. Quelque temps plus tard, de gigantesques pelleteuses investissent les collines, déracinant à coups de mâchoires les arbres séculaires. Tandis que les villageois s’interposent, Emad s’empare de sa caméra, offerte par un ami pour la naissance de son quatrième fils, Gibreel. « Dès le début du mouvement, Emad a cherché comment y contribuer, se souvient Guy. Les habitants de Bil’in lui ont demandé de filmer la réalité de leur quotidien, le harcèlement de tous les instants, la violence des soldats contre leur protestation pacifique, la “fabrication” de la rage. Il a compris l’intérêt de tourner ce qui se passait quand les journalistes n’étaient plus là. »

Car très vite, la résistance est mé­diatisée. La presse afflue. Les images d’Emad, qui vend quelques séquences aux télés, à Reuters, lui permettent à la fois de faire connaître leur combat, et de gagner quelques sous. Depuis 2000, et le durcissement de la politique de bouclage des territoires occupés, Israël a fermé son marché du travail aux Palestiniens. Comme nombre d’entre eux, Emad vit donc de petits boulots et du fruit de ses vergers. Mais au-delà de la mince aubaine financière, Emad filme « pour le futur car, un jour, la lutte pour garder la terre sera achevée et il faut garder une trace des actions menées dans ce but. » Qui plus est, la présence de la caméra le protège, lui et ceux qu’ils filment. « Elle a parfois été une alliée, empêchant les soldats de recourir à la violence. »

Quatre ans de tournage et quatre caméras brisées plus tard (1), en 2009, Emad a accumulé des centaines d’heu­res de rushs. « Je pense qu’il avait envie de construire un film sans trop savoir comment s’y prendre », raconte Guy. Emad se tourne alors vers lui. Membre actif dans la lutte contre le mur, familier du village où il a séjourné pendant trois mois pour un autre film, c’est un vidéaste professionnel capable de l’épauler dans son projet.

« Emad souhaitait le centrer autour d’Abeed et Phil, ses deux meilleurs amis. L’un venait d’être arrêté, l’autre tué. Moi, je ne voulais pas d’un film sur la mort. Je me méfie beaucoup de l’héroïsation des martyrs, courante dans nos sociétés. J’ai pensé à mettre Emad au cœur du film, à dépeindre le lien entre lui et son fils Gibreel, entre lui et son père. De raconter l’histoire du conflit à travers sa voix, d’entremêler le personnel et le social. Mais montrer ses peurs, sa famille... ce n’est pas évident dans la société palestinienne. » Deux années durant, il incite Emad à tourner des images plus intimes, pour lier les deux histoires, parti pris de la narration. Il peaufine le commentaire sobre, lu d’une voix distanciée et monocorde par Emad.

Par sa chronique à la première personne, de New York à Dublin, Emad a protégé sa terre, et ses souffrances, de l’oubli. Après l’Allemagne, il est en Suisse. Pour raconter encore, et encore...

(05 Octobre 2012 - Marie Cailletet, Télérama)

(1) La 5e caméra a duré de l’hiver 2009 au printemps 2010, quand elle fut atteinte par un tir de M16.


Film 5 caméras brisées - Cinéma comoedia 22 avril e


Echange avec Emad Burnat :

Réalisateur du documentaire 5 caméras brisées, sortie nationale le 20 février 2013

- Le documentaire a remporté un franc succès, et est nominé aux Oscars. Comment expliquez-vous ce succès ?

Ce film n’est pas comme les autres productions sur la Palestine. Il s’agit avant tout d’une histoire, d’une histoire émouvante, qui concerne des vraies personnes, et pas seulement de questions politiques. Nous parlons de vie quotidienne et personnelle, ce qui est un domaine dans lequel ce film innove. Il ne s’agit pas uniquement de faits, mais d’une intimité partagée et cela permet aux gens de ressentir la situation telle que nous la vivons en Palestine, sans avoir à l’expliquer.

- Est-ce que vous continuez à filmer en ce moment ? Bien sûr. Toujours. Quand je suis en Palestine, je filme ce qu’il s’y passe.

- Vous avez filmé beaucoup de moments personnels. Est-ce que cette expérience a été difficile pour vous ? Oui, certains moments ont été très difficiles à filmer. Ce n’est pas facile de partager les moments dans lesquels on se trouve en difficulté, où votre famille est en difficulté. Mais cette difficulté était moins importante que l’objectif premier, qui est de transmettre ce vécu au public qui regarde le film. Donc il était très important d’inclure les moments intimes filmés par la caméra.

- Comment est la situation actuelle à Bil’in ? Les manifestations continuent, les gens continuent à manifester contre la construction du nouveau mur. C’est un peu mieux qu’avant mais la situation n’a pas changé.

- Selon vous, qu’est-ce que ce film a apporté à Bil’in ? Ce film est sur Bil’in, sur mon village, mais c’est un objectif qui va au-delà de ça. A travers cette histoire, c’est tout le peuple palestinien, tous les villages palestiniens dans leur ensemble, qui sont présentés au monde sous une nouvelle forme. Sous une forme différente de l’image négative des médias. Ca a permis de montrer des personnes réelles, avec des problèmes réels.

- Que représente ce succès pour vous ? Le chemin pour le succès a été long et nous avons eu beaucoup d’obstacles pour y arriver. Mais l’objectif était le plus important et c’était d’amener la Palestine au monde, de montrer autre chose. Ce sera un jour historique si ce film gagne l’Oscar dans la série des documentaires ; ça veut dire que des millions de gens y auront accès et que l’attention de millions de personnes sera focalisée sur notre question, sur la question de la Palestine. Ce serait réellement historique.

[ Notons que c’est "Sugar Man", le documentaire de Sixto Rodriguez qui a remporté l’oscar le 24 février 2013 - NDLR ]


Critique de Libération


En savoir plus ...


Ce film sera projeté a été projeté au Salon Primevères à Eurexpo ce 16 mars à 14 h 45 salle verte - Débat animé par Jérôme Faÿnel dans la salle verte du salon.

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0