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Le 24 août 2012 à Nabih Saleh Vidéo du 24 août 2012 à Nabih Saleh : Témoignage d’une étudiante lyonnaise

jeudi 20 septembre 2012, Par Le Collectif 69

Interview :


Q : Est-ce la première fois que vous alliez en Cisjordanie ?

Pour ma part c’était effectivement la première fois que je partais en Cisjordanie afin de me rendre compte de la réalité de la situation. Nous entendons de nombreuses informations sur le "conflit israélo-palestinien", d’autant plus que je suis un double-cursus sur le monde arabe et je souhaitais me faire ma propre opinion.

Depuis un moment déjà j’étais attirée par cette destination atypique certes, mais qui permet d’avoir une meilleur appréciation de cette lutte permanente et incessante. Essayer de comprendre les raisons d’un tel conflit, se rendre compte de cette violence perpétuelle, tenter d’apporter tant bien que mal un soutien aux populations victimes de cette situation, voilà les raisons qui m’ont poussée à partir là-bas.

Q : Est-ce que vous vous attendiez à cela ?

J’ai été surprise à différents points de vue. D’une part, je pensais que le conflit était lisible au niveau du Mur qui sépare Israël de la Cisjordanie. Je m’imaginais des points chauds où des tensions pouvaient se faire sentir fréquemment. Mais en définitive j’ai réellement eu l’impression d’une occupation claire et nette, notamment dans des ville telles que Al-Khalil au sud de Ramallah.

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Une armée d’occupation

Les conditions de vie des Palestiniens sont sincèrement difficiles, ils sont privés de nombreuses libertés, puisqu’ils ne peuvent pas circuler librement dans l’ensemble des rues de la ville, la ville est coupée en deux et des soldats sont présents partout, notamment aux "checkpoints". On peut même parler d’apartheid puisque une rue est littéralement coupée en deux par un mur d’environ un mètre : une mince partie est attribuée aux Palestiniens, alors que les Israéliens disposent de la partie la plus large. C’est en cela que j’ai été surprise. J’ai pris conscience que le quotidien de cette population est rythmé par des contrôles, par l’impossibilité de se déplacer librement, par des tensions parfois extrêmes avec les militaires et les Israéliens. Il ne s’agit donc pas d’un conflit à l’image d’une guerre mais d’une réelle colonisation et occupation.

Q : Qu’est ce qui vous a le plus étonné ?

Je crois qu’on fini par s’habituer à cette violence, à cette occupation et à toute cette pression. Cela représente l’un des paradoxe de l’âme humaine : on s’oppose à quelque chose, mais on finit par vivre avec. Pourtant il ne faut pas tomber dans la résignation. C’est en cela que les Palestiniens sont incroyablement courageux, car ils persévèrent, ils tentent tant bien que mal à faire reconnaitre leurs droits. Ils méritent beaucoup de respect pour cette patience, ce courage et cette détermination dont ils font preuve avec souvent beaucoup de sang-froid, car la plupart restent pacifistes.

Q : Quels type de contacts avez-vous eu avec les palestiniens ?

Nous avons rencontré des militants palestiniens soutenant leur cause par l’intermédiaire d’associations internationales et par leur présence régulière en Europe pour des conférences. Ils ne se voilent pas la face, ils vivent le conflit jour après jour et tentent de trouver des solutions efficaces pour résoudre les problèmes un à un. Ils sont définitivement plongés dans leur projet pour un avenir meilleur et leur force est respectable.

Nous avons également partagé des moments avec des habitants de certaines villes, des enfants, des familles. Ces moments sont magiques par cette chaleur humaine et cette convivialité. Se rendre compte du quotidien d’une population passe aussi par ces échanges même éphémères, par ce partage. La barrière de la langue n’apparait alors plus comme une difficulté, nous discutons avec les mots que nous maitrisons, nous nous aidons de la gestuelle et établissons un lien fort entre nous.

Ces moments de détente ont été également partagés avec des journalistes palestiniens que j’ai pu rencontrer. Ils nous apportent un regard différent sur la situation par leur expérience professionnelle notamment. Cela enrichit alors notre vision d’ensemble et nous pouvons ainsi accéder à des informations nouvelles. Le visionnage de leur travail, la participation à certaines réunions communes élargissent nos impressions.

Nous avons donc établi des contacts divers et variés, ce qui n’a pu être qu’un véritable enrichissement personnel. Nous avons également discuté avec des israéliens, des colons ou encore des soldats et là encore, ces échanges nous ont permis d’entendre la partie considérée comme adverse, afin de se créer sa propre opinion.

Q : Comment vous êtes vous retrouvée dans la manifestation de Nabih Saleh ?

Je me suis rendue à Nabi Saleh par choix personnel. Etant dans l’association d’ISM (International Solidarity Movement), j’ai pris la décision de partir avec eux pour la manifestation de Nabi Saleh. J’y suis donc allée pour une première fois. Cette manifestation se tenait le dernier vendredi du ramadan. Les manifestants palestiniens étaient donc moins nombreux avec la chaleur et l’impossibilité de s’hydrater suite à la manifestation. Cette première manifestation fut relativement calme, même si de nombreux soldats étaient présents (comme à l’habitude).

Ma deuxième manifestation à Nabi Saleh (celle de la vidéo du 24 août) était davantage violente et a duré beaucoup plus de temps par rapport à la première. Les soldats nous ont poursuivis et sont entrés au sein même de la ville. Ils ont lancé de nombreux "tear gaz" et ont bloqué les entrées et sorties de la ville afin de nous encadrer.

Q : Quelle est la raison de la manifestation ?

La raison de la manifestation hebdomadaire de Nabi Saleh est la volonté de récupérer les terres colonisées par la colonie [israélienne] Halamish. comme je l’ai expliqué, les Israëliens se sont procurés des terres palestiniennes et tentent de s’approprier une source d’eau.

Q : Quels ont été vos sentiments face aux soldats israéliens ?

Face à la violence de certains soldats, on se sent parfois impuissant. nous étions très proches d’eux et ils nous bousculaient pour nous faire reculer. Ils n’hésitent pas à déployer les grands moyens. Ils utilisent même des camions rempli d’eau puante afin de la déverser sur les maisons. Celle-ci laisse une odeur désagréable durant des semaines entières. Durant la manifestation de fin Août, la vidéo et les photos parlent d’elles-mêmes. En effet, on y voit des soldats s’en prendre à des femmes militantes de manière hargneuse et avec violence. Certaines se sont faites traînées par terre dont une a été arrêtée.

Pour la population du village, chaque vendredi est une sorte de rituel. Les soldats et la population, appuyée par la présence des journalistes et des internationaux, se retrouvent aux alentours de 13h pour le début de la manifestation. Mais on peut se demander si face à cette armada et à ces moyens, la population se Nabi Saleh a un quelconque pouvoir de dissuasion.

Q : Comment sommes nous perçus en tant que français occidentaux ?

En tant que "français occidentaux" nous ne sommes pas mal perçus du côté palestinien, nous sommes présents sur place et qu’il s’agisse de tourisme ou d’une aide quelconque, les Palestiniens semblent heureux de notre présence. D’un point de vue économique, notre présence est bénéfique et il est vrai que les Palestiniens sont très reconnaissants vis-à-vis des militants français qui souhaitent intervenir et rendre compte de la situation à leur retour,... Parler du conflit, décrire la difficulté quotidienne de cette population, tenter de "réveiller les occidentaux" sur cette injustice est je pense bien plus important que d’apporter un soutien financier.

Q : Qu’attendent-ils de nous ?

Je pense qu’ils sont reconnaissants de notre intervention, de notre soutien, mais qu’en aucun cas ils nous déconsidèrent si nous n’agissons pas. J’ai vraiment ressenti un réel respect et une grande compréhension des Palestiniens à notre égard. Cependant, une fois sur place il est nécessaire de respecter leur façon de vivre, leurs croyances. C’est aussi à nous de s’adapter, même si parfois cela nous change de notre quotidien. Si nous n’agissons pas en contradiction avec leur mode de vie, nous pouvons très rapidement nous intégrer. C’est une des forces de ce pays et de nombreux pays arabes d’ailleurs.

Q : Quelles conséquences ce voyage a-t-il pour vous ?

Ce voyage m’a fait prendre conscience d’une réalité que j’ignorais en grande partie. J’ai essayé de me créer ma propre opinion sur la situation et à l’heure actuelle je souhaite réellement poursuivre les premières initiatives en France. Je compte d’ailleurs retourner en Cisjordanie, à Ramallah précisément pour un an d’étude en partenariat. Cette courte expérience m’a ouvert les yeux et m’a souvent choquée, mais toutes ces rencontres, ces découvertes m’ont enrichie personnellement et si c’était à refaire, je "resignerais" tout de suite !


Le village de Nabi Saleh est une petite ville d’environ 600 habitants, située à 20 km au nord-ouest des villes de Ramallah et Al-Bireh.

Sa particularité est qu’une colonie israélienne connue sous le nom de Halamish a été établie sur ses terres en 1976. En réponse à cette présence illégale, les habitants de Nabi Saleh ont organisé des manifestations en opposition avec le vol de leurs terres et l’établissement de la colonie (dont la création constitue une violation du droit international) et ont également déposé une action en justice auprès de la Haute Cour d’Israël, mais ont été incapables d’en arrêter la construction.

Depuis sa création en 1977, la colonie Halamish continue à se développer contre le grès des Palestiniens. En 2008, les Israéliens en sont venus à construire une clôture afin d’empêcher les Palestiniens d’accéder à leurs terres. Malgré la décision des tribunaux israéliens de démanteler la clôture, la colonie poursuit l’annexion de terres de manière illégale.

Ajouté à ce problème, certains colons tentent de s’approprier une source d’eau appartenant à la population palestinienne, ce qui ravive les tensions.

Ces raisons expliquent donc le début des manifestations non-violentes hebdomadaires à l’encontre de la colonie israélienne à partir de Décembre 2009.

Cette vidéo de 9 minutes montre la manifestation pacifique, puis l’intervention brutale de l’armée israélienne d’occupation, les arrestations, les blessés ...[N.D.L.R]

Les répressions de l’armée israélienne sont, bien entendu, brutales et violentes et sont aggravées par de nombreuses arrestations. Selon certaines sources, une partie de la population du village (13%), y compris des enfants, aurait été arrêtée depuis le début de ces manifestations. Et tous sauf trois auraient été jugés pour avoir participé à des manifestations non-violentes. De ceux qui sont emprisonnés, 29 seraient mineurs et 4 seraient des femmes.

Mais cela n’a que peu touché la persévérance de ces Palestiniens. D’ailleurs pour montrer la détermination et la volonté d’une justice sur les territoires occupés, une militante palestinienne a affirmé le 16 Août 2012 : “La résistance, c’est pour l’avenir de nos gamins.” Voilà l’une des raisons pour lesquelles la population du village ne cesse de lutter.

Afin de rendre compte de cette situation et de soutenir la population palestinienne, des militants pacifistes internationaux et militants israéliens opposés à l’occupation de leur gouvernement et de la politique d’apartheid, se sont joints à ces actions et manifestations régulières. Ce soutien et cette solidarité avec le peuple de Nabi Saleh permet de mettre en avant les injustices qui règnent dans les territoires occupés et de poursuivre la lutte pour l’autodétermination, la liberté, la justice et les droits de l’homme.

Note informative : Certains estiment cependant que depuis la disparition de Yasser Arafat cette lutte permanente perd progressivement son efficacité, car celui-ci était une véritable icône et incarnait ce combat régulier. Il n’a jamais cessé de se battre pour la restauration de la nation et non pour récupérer une source ou quelques hectares de terres. Mais peut-on cependant dire qu’aujourd’hui les initiatives sont moins présentes ? Peut-on parler d’un recul de la détermination de toute cette population réunie autour d’une seule et même cause ? Cette question reste à creuser, puisque les jeunes, appelés “chebab”, jouent un rôle déterminant dans la construction de cette lutte permanente contre les abus de la population israélienne. Leur présence est à l’heure actuelle indispensable puisqu’ils incarnent cette jeunesse, cette volonté d’agir et ce dynamisme. Enfin, leur nombre important (du à la transition démographique qui n’est pas encore achevée) permet de renforcer et de souder leurs actions.

M. étudiante à Lyon

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