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Rachel Corrie : plainte rejetée

samedi 1er septembre 2012, Par Le Collectif 69

Le jugement prononcé dans l’affaire Rachel Corrie exonère les militaires israéliens de leur obligation de rendre des comptes et ne tient pas compte des graves défaillances de l’enquête interne menée par l’armée israélienne dans cette affaire.

" Rachel Corrie était une manifestante américaine pacifique qui a été tuée alors qu’elle tentait d’empêcher la destruction d’une maison palestinienne par un bulldozer des forces armées israéliennes. Plus de neuf ans après la mort de Rachel Corrie, les autorités israéliennes n’ont toujours pas respecté leurs engagements selon lesquels elles mèneraient une enquête "minutieuse, crédible et transparente. Au contraire, un tribunal israélien a soutenu les conclusions d’une enquête militaire comportant des vices de forme et a rendu un jugement qui, une fois de plus, exonère l’armée israélienne de toute obligation de rendre des comptes", a déclaré Sanjeev Bery, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International États-Unis.

La décision, prononcée par le juge Oded Gershon au tribunal de district de Haïfa, maintient que l’armée israélienne n’est pas responsable des "dommages causés", arguant que le 16 mars 2003, le bulldozer Caterpillar D9 était engagé dans des opérations de combat à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

Le droit international humanitaire interdit la destruction de propriété, sauf si celle-ci est exigée par d’impérieuses nécessités militaires, et exige que toute opération militaire soit conduite en veillant à épargner la population civile.

Rachel Corrie était clairement identifiable comme civile : elle portait un gilet orange fluorescent au moment où elle a été tuée. Avec d’autres militants non violents, elle avait passé plusieurs heures à manifester de manière pacifique contre les démolitions, au moment où le bulldozer de l’armée israélienne l’a écrasée.

En appuyant les conclusions de l’enquête de l’armée israélienne, terminée dans le mois qui a suivi la mort de Rachel Corrie en 2003, le jugement semble avoir négligé plusieurs éléments de preuve solides présentés devant le tribunal, notamment par des témoins oculaires.

L’enquête militaire n’a jamais été rendue publique dans son intégralité ; des représentants du gouvernement américain ont affirmé ne pas croire qu’elle ait été "minutieuse, crédible et transparente".

Cela fait plusieurs années qu’Amnesty International émet des critiques analogues envers le système israélien d’enquêtes militaires. L’organisation a par exemple surveillé les enquêtes menées par les commandants de Tsahal et par la police militaire sur des violations commises au cours de l’opération « Plomb durci », lancée par les forces israéliennes le 27 décembre 2008, qui a entrainé la mort de centaines de civils non armés dans la bande de Gaza.

Les enquêtes militaires menées par Israël manquent d’indépendance, d’impartialité, de transparence, ainsi que de l’expertise nécessaire et des pouvoirs d’enquête suffisants. Comme Israël aussi bien que le gouvernement de facto du Hamas ne semblent pas capables de mener des enquêtes fiables sur les violations commises au cours du conflit, Amnesty International a demandé à ce que la situation à Gaza soit déférée à la Cour pénale internationale.

Il arrive souvent que des civils palestiniens soient tués ou blessés par les forces armées israéliennes dans les territoires occupés. Or, l’accès aux tribunaux civils israéliens est fortement restreint et ces tribunaux n’examinent donc que rarement les cas de civils tués dans ces territoires, tout particulièrement à Gaza. Les frais de justice dont doivent s’acquitter les plaignants avant même l’ouverture du procès sont par ailleurs hors de portée de la plupart des Palestiniens. Dans le cadre du blocus par Israël de la bande de Gaza, les autorités israéliennes n’autorisent pas les victimes ou témoins palestiniens qui en sont originaires à entrer en Israël pour témoigner devant les tribunaux ; elles ne permettent pas non plus aux avocats gazaouis de représenter des clients devant des tribunaux israéliens, ni aux avocats israéliens d’entrer à Gaza pour rencontrer leurs clients.

Amnesty International a condamné à de nombreuses reprises la politique israélienne de démolition systématique d’habitations et d’autres constructions dans les territoires palestiniens occupés. Les démolitions restent pourtant monnaie courante, non seulement à Gaza mais aussi en Cisjordanie occupée. Plus de 600 constructions y ont été démolies en 2011, entrainant l’expulsion forcée de près de 1 100 personnes. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, l’armée israélienne a démoli 327 constructions en Cisjordanie entre janvier et juillet 2012, déplaçant ainsi 575 personnes.

Plus d’infos :


Plus de 9 ans après, un juge israélien doit se prononcer sur l’assassinat de Rachel Corrie

- Le 28 août prochain, soit plus de 9 ans après l’assassinat de leur fille, écrasée par un bulldozer militaire israélien dans la bande de Gaza, les parents de Rachel Corrie, vont entendre le jugement d’un tribunal de Haïfa, concernant la plainte qu’ils ont déposée contre le ministre israélien de la Défense.

La famille Corrie va faire à nouveau tout le voyage à partir des Etats-Unis, pour savoir si la justice israélienne reconnait enfin la responsabilité des dirigeants en place au moment où leur fille Rachel, 23 ans, a été écrasée par un bulldozer israélien, alors qu’elle tentait d’empêcher la démolition d’une maison palestinienne dans la bande de Gaza.

Meurtre dont le gouvernement israélien a refusé d’assumer la responsabilité jusqu’ici, bien que de nombreux témoins, présents sur place aient témoigné du fait que l’acte des deux soldats à bord du bulldozer, le 16 mars 2003, ne pouvait être accidentel. Après avoir tout fait pour classer l’affaire "sans suite", et empêché les témoins d’entrer en Israël, le gouvernement israélien se trouve contraint, par la ténacité de ses parents, de voir l’affaire revenir devant un tribunal israélien.

Une "enquête interne" de l’armée israélienne a tenté de blanchir les deux soldats, en prétendant qu’ils n’avaient pas vu Rachel Corrie, devant la maison de ce médecin palestinien, à Rafah. Mais les déclarations des témoins, confirmées par des preuves photographiques, montrent Corrie, vêtue d’une veste fluorescente orange, un mégaphone à la main, face au bulldozer, pendant plusieurs heures. Elles montrent aussi les traces du passage du bulldozer sur le corps de Corrie, quelques instants après qu’elle ait été écrasée.

- Tom Dale, militant britannique, qui se trouvait près de Corrie au moment où elle a été tuée, écrivait deux jours plus tard qu’elle avait grimpé au sommet d’un monticule de terre, et que les militants tout proches criaient au conducteur du bulldozer d’arrêter.

Le bulldozer, écrit-il, « a poussé Rachel, d’abord sous sa pelle, puis sous sa lame, et il a continué à labourer son corps jusqu’en dessous du cockpit. Il est resté sur elle pendant quelques secondes, avant de faire marche arrière. Il a fait marche arrière avec la lame baissée, ce qui fait qu’il a raclé son corps une seconde fois ».

Même si Israël a refusé à Ahmed Abu Nakira, le médecin de Gaza qui a donné des soins à Rachel Corrie, l’autorisation d’assister à l’audience et de pouvoir être interrogé par liaison vidéo, tout montre que la jeune fille a été écrasée intentionnellement. (Le parlement israélien, contrairement au droit international, a voté une législation rétroactive rendant impossible à la plupart des Palestiniens d’intenter un procès contre l’armée pour des préjudices subis dans les territoires occupés après septembre 2000.)

D’ailleurs, dans la période où Corrie a été tuée, trois jeunes Britanniques, également volontaires d’ISM, - Iain Hook, Tom Hurndall et James Millar - ont été abattus par des soldats israéliens. Ne pouvant nier l’évidence, Israël s’est finalement proclamé "non responsable" parce que les actions de l’armée étaient des « actes de guerre » et parce que "Corrie s’était mise elle-même, imprudemment, en danger."

Mais les parents de Rachel, Craig et Cindy, d’Olympia dans l’Etat de Washington, n’ont cessé de poursuivre le combat pour la vérité et la justice, créant une fondation Rachel Corrie, encourageant la création de pièces de théâtre et de films, faisant connaître la cause qu’elle défendait et ses paroles en tant que jeune militante venue défendre les Palestiniens en butte aux exactions de l’armée israélienne.

- Elle avait décidé de rejoindre à Rafah, l’organisation de résistance non-violente, International Solidarity Movement (ISM), pour essayer d’arrêter la démolition des maisons et des puits palestiniens. Sa mère a écrit : "Ses e-mails qu’elle envoyait à la maison ont eu un fort impact sur notre famille, nous donnant une vision de la situation au Moyen-Orient que nous n’avions jamais eu avant. Sans correspondance directe avec Israël et la Palestine, nous n’avions pas compris la nature dévastatrice de la situation des Palestiniens. Venant des Etats-Unis, notre allégeance et empathie avaient toujours été avec le peuple d’Israël.

Le mois précédent sa mort, Rachel nous avait envoyé le message suivant : "J’attends avec impatience de voir de plus en plus de gens qui voudront résister à la direction dans laquelle le monde avance, une direction où nos expériences personnelles ne sont pas pertinentes, où l’on prétend que nous sommes mauvais, que nos communautés ne sont pas importantes, que nous sommes impuissants, que notre futur est déterminé, et que le niveau le plus élevé de l’humanité est exprimé par la capacité à consommer tout et n’importe quoi dans les centres commerciaux."

- La famille Corrie ne baisse pas les bras. Aux Etats-Unis, elle a entrepris une action judiciaire contre la société Caterpillar, qui a fabriqué et fourni le bulldozer D-9R qui a tué Rachel et qui sert communément à détruire des maisons palestiniennes, ce qui constitue un crime de guerre. En Israël même, elle revient pour savoir ce que le juge de Haïfa, Oded Gershon, va dire devant l’ensemble des témoignages accablants pour l’armée israélienne.

Et la Fondation Rachel Corrie, qu’elle a créée, poursuit son combat pour la justice et l’égalité des peuples, pour la fin de l’occupation de Gaza, de la Cisjordanie et Jérusalem-Est, en appelant tous les citoyens du monde à "faire preuve d’esprit de résistance comme les Palestiniens", à mener des "actions visibles pour dénoncer cette occupation et nos gouvernements qui s’en rendent complices", et à "se joindre à la campagne internationale BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions)", lancée par la société civile palestinienne en juillet 2005.

(de CAPJPO-EuroPalestine)


Voir ou revoir le film RACHEL de Simone BITTON

Le film relate l’histoire de Rachel ...

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