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Claude à Bil’in : La manif s’arrête devant la barrière ...

dimanche 1er novembre 2009, Par Le Collectif 69

de Kalendia à Bil’ in

Kalendia : je n’ai pas envie d’écrire sur ce très gros check point, passage obligé pour aller à Jérusalem de Ramallah ;

Regardez les photos, cela suffit ; c’est une humiliation quotidienne vécue par les palestiniens, humiliation à plus d’un titre que je n’ai pas non plus envie de détailler ;

Nous ne l’avons pas franchi parce que nous n’avons pas envie d’aller à Jérusalem ;

...

pour moi Jérusalem est devenu trop israélien, c’est une capitale occupée, transformée par la force et des discriminations sans fin ;

Au check-point de Kalendia nous avons vu les jeunes jeter des cailloux vers les soldats, puis nous avons vu arriver 2 bergers et un troupeau de chèvres et de moutons, longeant le mur, traverser les nombreuses files de voitures et continuer le long du mur ;

Le lendemain, vendredi 30, aujourd’hui, départ à Bil’in, pour la manif vers 10 heures ;

Au départ nous étions environ 200, mais tout le long du chemin, les taxis et voitures ont apporté de nouveaux arrivants ; mais la pluie s’est mis à tomber, perturbant le déroulement « normal » de la manif ;

La manif s’arrête devant la barrière qui monte et descend les collines proches du village, de l’autre coté deux groupes de soldats, 2x5, qui régulièrement lancent des grenades lacrymo   ; à coté dans le champ d’olivier des groupes de jeunes jettent des pierres sur un autre groupe de soldats qui lancent aussi des lacrymos ;

Cela dit, la présence de nombreux européens, états-uniens reprenant en anglais les slogans pour une Palestine libre, contre le racisme, l’apartheid, « Israël terroriste » donne à cette protestation hebdomadaire contre la présence de la barrière une dimension internationale qui probablement lui permet de s’inscrire dans la durée ;

la durée, un élément très important dans l’action pour le soutien aux luttes des palestiniens contre les colonies, l’occupation, pour le droit au retour ;

durabilité, action internationale, voilà qui nous ramène au boycott, à la campagne B D S, qui s’impose en toute légitimité au bout d’une semaine passée dans la Cisjordanie d’aujourd’hui, au côté de ces palestiniens qui subissent chaque jour beaucoup de choses, à commencer pour la majorité d’entre eux la répression la plus dure : la privation de tout revenu régulier et décent par le chômage forcé ;

demain nous prenons déjà le chemin du retour via Allenby et Amman , mais bientôt c’est Noël et la marche mondiale contre le blocus de Gaza via le Caire et Rafah ; nous y serons !

ramallah jalazone birzeit

Direction Ramallah, dans une fourgonnette coréenne, un taxi collectif ;

le chauffeur se faufile par le fossé pour voir un peu : check-point, un bon kilomètre de queue, on fait demi tour on retraverse l’embranchement et peu après, on tourne à gauche pour une de ces routes palestiniennes de contournement , plus étroite, en mauvais état qui descend au fond des vallées, remonte quasiment à pic les montagnes dans un enchaînement de virages serrés et très pentus, se faufile dans des faubourgs pauvres, des villages, longe des champs d’olivier, avec quelques chantiers de goudronnage en cours ; ce qui me frappe ce sont les interminables talus de gravats, de morceaux de béton divers qui accompagnent cette route ;

2 heures et demi plus tard, pour une distance totale d’environ 50 kilomètres, on arrive à Ramallah, plus exactement au marché de Al Bireh ;

l’après midi et le soir on se balade dans le centre de Ramallah ;

Les nombreux éléments armés de l’autorité palestinienne, soldats, policiers, hommes en civil, avec des véhicules flambant neufs, magnifiques « golfs » bleues pour les policiers, défendeurs ( land rover ) grands modèles pour les soldats, gros 4X4 dernier cri pour les hommes en civil, toute cette armada se montre, circule mais indifférente aux incidents de trafic ;

A la longue, impression plutôt mitigée, il y a beaucoup de voitures neuves et de luxe avec des plaques jaunes ( israéliennes) conduites par des palestiniens, beaucoup de messieurs costards cravates dont visiblement la seule préoccupation est le fric ( comme chez nous ), bref un certain malaise s’installe ;

Le soir venu nous nous sommes un peu perdus, et avons retrouvé par hasard des quartiers populaires où les petits garçons tapent dans le ballon dans la rue, les petites filles se promènent en groupe, les épiceries toujours ouvertes, et les falafels du boui boui sympa où nous avons mangé toujours très bons ;

le lendemain matin discussion avec un palestinien, et après avoir décliné mes références militantes, ( un voyage à Gaza ouvre les bouches ou les ferme définitivement), nous avons eu une discussion politique où tout ce qu’il a dit ressemblait de très prés à ce qu’avait dit la dame, prof, voisine volontaire des colons israéliens d’Hébron ... avec en plus de sa part une longue description de l’encadrement très serré par le Fatah des fonctionnaires à tous les niveaux de l’autorité, l’exclusion directe des personnes ayant des sympathies, des contacts avec le Hamas, la poursuite , l’emprisonnement, voir plus des militants et des responsables du Hamas, et plus largement des opposants à sa politique, FPLP compris ;

il nous dressera aussi une critique développée de l’orientation économique mise en œuvre par l’autorité ;

et il conclura en insistant sur le constat que les divergences ne sont en rien religieuses, mais bel et bien politiques, et économiques ;

sur son conseil, et parce que aussi nous ne voulions pas aller à Jérusalem, nous sommes allés visiter le camp de réfugiés de jalazone puis ensuite l’université de birzeit ;

Jalazone : accueil par le fonctionnaire UNRWA à l’entrée du camp : accueil cordial mais superficiel, « blanc », donc nous sommes allés nous promener dans ce camp de 28 000 personnes qui est dans les faits une petite ville, avec des rues étroites, mais le réseau d’eau apporte l’eau dans les maisons avec des réservoirs et des chauffe eau solaires sur tous les toits ; rencontres furtives avec les habitants, des enfants au visage fatigués, des adolescents qui nous serrent a main avec « welcome », le centre autour d’un monument aux morts célébrant Yasser Arafat ; discussion avec un homme de 45 ans qui nous raconte que sa famille habitait là où aujourd’hui est l’aéroport Ben Gourion.

Ce camp n’est entouré d’aucun grillage et nous repartirons en taxi pour Birzeit en traversant toute la ville ;

Birzeit : une université flambant neuve, magnifique : à l’entrée un coup de téléphone des gardiens pour savoir ce qu’ils font de ces 2 petits français qui demandent à visiter ;

Ils nous confient à une étudiante qui passe et qui nous amène au bâtiment administratif, accueil ;

Là une personne parlant anglais nous fait asseoir et nous raconte la réalité actuelle de cette université de 9 000 étudiants, son histoire chargée, elle a été fermée pendant 4 ans par les israéliens, les difficultés pour les étudiants de venir étudier du fait des check-points et des restrictions multiples et les graves conflits entre les étudiants sympathisants du Hamas et ceux sympathisants du Fatah, des affrontements lors des élections des comités étudiants, du problème posé par la venue de profs israéliens dans cette université et elle finira par Bil’in et sa manif contre le mur de vendredi, où se rendent beaucoup d’étudiants ;

Amman - Jéricho — Al Khalil ( Hébron )

Nous ne voulions pas passer par Ben Gourion parce que cet aéroport est israélien, et bien que simples citoyens, nous sommes pour boycotter tout ce qui est proprement israélien, jusqu’à ce qu’Israël reconnaisse les droits internationaux, c’est à dire autant les droits des palestiniens que les nôtres ; voilà pourquoi nous avions décidé de passer par Amman et le pont Allenby, King Hussein bridge pour les jordaniens ; cela dit, deux choses : - nous savons aussi que la Cisjordanie est occupée par Israël et qu’alors nous aurions à faire aux israéliens , - boycotter Israël ne change en rien l’amitié que nous portons à de nombreu-x-ses ami-e-s et camarades juifs que nous avons ;

Arrivée au poste frontière israélien : beaucoup de monde, des palestiniens mais aussi des occidentaux de tous pays ;

Un agent en civil lunettes noires tient une arme répétitive moderne impressionnante, le regard obscur braqué sur les gens qui donnent leurs bagages pour une nième vérif, puis l’épreuve : contrôle des passeports ;

2 guichets « VIP », 2 guichets « étrangers », puis une dizaine de guichets « arabes » ; on nous dit de nous présenter au 2ème guichet « VIP » ; nous y allons et faisons la queue ; pendant l’attente le guichet 1 devient libre, le fonctionnaire qui contrôle la queue d’attente générale envoie un paquet de personnes au guichet 1 ; la policière, une jeune femme de 25 -28 ans quand elle s’aperçoit que ces personnes ont des passeports « arabes » pique une colère, pousse une gueulante, les envoie vers les guichets « arabes », quitte son guichet et elle ne reviendra que 5 minutes plus tard ...

Et puis quand on dit qu’on ne va pas à Jérusalem mais à Hébron puis Ramallah puis Naplouse, l’étonnement est manifesté par la femme qui contrôle nos passeports, mais elle n’insiste pas, tamponne et nous rend nos passeports en règle ;

nous avons pris le bus pour Jéricho comme tous les palestiniens présents ;

- A Jéricho, plus d’israéliens, présence des fonctionnaires, soldats et policiers de l’autorité palestinienne et bien sûr nous avons trouvé un bus qui allait à al Khalil, 25 shekels par personne ;

Premier déplacement en Cisjordanie occupée : d’emblée le décor fondamental est présent : en haut des montagnes calcaires et nues, sans végétation, les colonies juives, toutes à peu près sur le même modèle, en bas de pauvres baraques avec des animaux, les bédouins sédentarisés ?, des ruisselets d’eaux très sales s’écoulant de temps en temps dans les plis de terrain ;

- 3 heures plus tard nous arrivons à al Khalil - Hébron en plein centre d’une grande ville très animée, il est midi et demi ;

je reconnais les lieux parce que j’ai 1000 fois vu en France ces images montrant les grillages remplis d’ordures séparant le haut, les vieilles maisons historiques envahies par des colons israéliens, du bas, quartier palestinien millénaire ;

sur les photos le bas est désert, les volets fermés ;

aujourd’hui le quartier est animé, bien vivant quadrillé de petites boutiques qui proposent des produits divers, pas seulement alimentaires, des produits artisanaux ;

bon, on se consulte, je propose de quand même continuer pour y voir clair, même si une inquiétude réelle existe en moi ;

contact avec un soldat israélien armé, gilet pare balle casque, qui nous demande où on va, nous fait ouvrir les sacs et nous dit enfin de passer ;

à gauche, on monte, 10 mètres, 2ème poste israéliens, une demi douzaine de soldats, une chef de poste : passeports, on va où, sac ouverts inspectés, la chef nous demande alors notre religion : on répond « no religion », elle nous regarde puis nous dit finalement de passer ;

- En même temps je voulais revoir et photographier le quartier de la colonie juive où nous nous étions retrouvés par erreur la veille ; et puis je voulais terminer cette journée au tombeau des patriarches ;

Durant 3 heures et demi nous sommes montés sur les toits des maisons demeurées palestiniennes au contact des maisons occupées rénovées par et pour les colons juifs, souvent à moins de dix mètres des nombreuses tours, guérites, et autres points de surveillances occupés par les soldats israéliens ;

Nous montions par d’étroits escaliers pentus, traversions des passages tout aussi étroits, nous retrouvant sur un toit, passant sur l’autre par des escaliers improvisés de tas de pierres ou de plateaux de marbres blancs ;

- Nous avons traversé plusieurs check points en montrant notre passeport et en répondant invariablement aux questions des soldats et/ou policiers israéliens que nous étions des touristes en train de « tourister » ;

Nous avons vu les rues coupées définitivement par des barrières métalliques et des blocs de béton très hauts, remplies de déchets et d’ordures jetées par les occupants d’en haut ;

Nous avons vu les miradors, les grosses caméras, les projecteurs, partout, nombreux et nombreuses, les maisons palestiniennes vides après des jets de cocktails Molotov par les colons, nous avons vu les multiples boutiques définitivement closes, dont le rideau avait été soudé à la barre de fer par les occupants ;

Nous avons vu les nombreuses maisons vides au contact des maisons occupées par les colons, parce que ces derniers commettent agression sur agression ; dernièrement, 2 petits enfants sont morts dans leur chambre brûlée par des cocktails Molotov ;

Hebron : barrage définitif

- Puis nous avons été reçus par madame M. qui habite en haut, au contact de colons israélien ...nous avons un peu parlé politique, j’ai dit mon petit voyage à Gaza, elle a dit son très profond désaccord avec l’autorité palestinienne actuelle, elle a très fortement dit sa volonté d’une Palestine libérée, j’ai dit la campagne du boycott d’Israël, elle a dit l’importance première de cette campagne pour aider les palestiniens, bref que du bonheur dans cette situation désastreuses ;

Puis la visite a continué ; en fait nous avons fait le tour des colonies israéliennes d’Hébron qui surplombent tout autour des 2 cimetières musulmans ;

Après un check-point devant nous une rue goudronnée large avec à gauche une synagogue belle flambant neuve, plus loin un immeuble neuf où logent des colons d’origine roumaine, mais stop pas un pas de plus nous tournons de suite à droite et escaladons la colline par un petit sentier étroit bordé par un grillage : ici nous sommes en H2 -la ville palestinienne ( à peu près 130 000 palestiniens), là à 1 mètre derrière le grillage c’est H1 la zone israélienne - 500 colons, 2000 soldats pour leur permettre de coloniser ;

Sur place, dans le concret, ça ressemble à un univers kafkaïen, l’absurdité poussée jusqu’à l’absurde ; comment est-il possible d’imaginer cela durablement ?

Welcome » « welcome » à Hébron, venez visiter cette splendide ville palestinienne.

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